vendredi 28 mars 2014

Ce que la PMA ne nous apprend pas

L'attente nous rend folles. 
Je me souviens qu'il m'arrivait de me dire que peut être je n'étais pas faite pour être maman. Que je serais une mauvaise mère. Que je ne pourrais pas renoncer à ma liberté de nullipare. Que peut être c'était mieux ainsi. 

Mais la plupart du temps imaginer ne pas être maman me brisait le coeur. Je ne vais pas rentrer dans les détails, vous voyez parfaitement ce que je veux dire. Alors on devient hyper incollable sur le pourquoi du comment: les normes de l'OMS sur la qualité et la quantité des spermatozoïdes, du gonal v. menopur, du nombre de follicules sous traitement, des taux d'AMH, des prises de sang, des échographies endovaginales, des rdv avec les biologistes / gynécologues / laborantins, des embryons à 2/4/5 cellules, bref la totale.

Et puis le miracle arrive. Incroyable. Inimaginable. Irréel. 

Je savais parfaitement comment on faisait les bébés. Que celle qui n'a jamais donné des conseils aux copines en mal d'enfants en C2 me jette la 1ère pierre! Mais je n'avais imaginé ce que c'était d'avoir un bébé. Avant parce qu'on n'y croit pas. Pendant parce qu'on n'y croit pas non plus. Et puis, on va pas quitter sa carapace aussi vite, si jamais encore une merde nous tombait sur le coin de la gueule.

On m'avait demandé si j'avais peur de l'accouchement. Je n'avais pas peur parce que je crois que je ne pensais pas que j'accoucherais un jour. C'était trop beau.

Mais non, y'a pas, j'ai bien accouché. Un peu dans la précipitation. Dans l'affolement. Mais le petit père est arrivé. J'étais devenue maman…enfin, pour les autres, parce que pour moi c'était une autre histoire. 

Alors voilà ce que je vais dire là va certainement paraître horrible à beaucoup d'entre vous. Mais je suis persuadée ne pas être la seule à être passée par là. Et ça pourrait peut être aider certaines dans un futur que j'espère proche.

Je m'attendais à être envahie d'un sentiment d'amour en le voyant, le même que je ressentais aux transferts d'embryon. Mais non. Je le regardais. Je le bisoutais. Je m'en occupais. Mais c'était un être que je ne connaissais pas. 
Et puis je ne m'étais jamais imaginée avec un garçon. J'ai toujours cru que j'aurais une fille. Pendant toute ma grossesse, on n'avait pas arrêté de me dire que ça serait une fille: le calendrier chinois, la forme du ventre, le pendule de la grande-tante (arguments tous très scientifiques), le petit format du bébé (personne n'avait imaginé le RCIU dû à l'hypertension). Moi qui avais passé mon temps à dire "m'en fous du sexe, je veux un bébé, juste un bébé, en pleine forme", je me retrouvais avec un mec et cela m'a perturbé. 
Et puis la responsabilité qu'engendrait un bébé m'a percuté en pleine face. 
Je me suis posée des questions, des milliers de questions. Je me suis demandée si je l'aimais. Je me suis demandée s'il m'aimait. J'avais l'impression que pour lui, moi ou une autre, c'était le même combat. Et ça me faisait culpabiliser encore plus parce que putain, je faisais partie des chanceuses, et je n'arrivais pas à me réjouir de cette chance.

Et puis finalement j'en ai parlé aux copines déjà passées par là. Celles qui m'avaient paru si investies dans leur rôle de maman, celles qui m'avaient paru à leur place. Et là, elles me l'ont dit: non, devenir maman n'est pas une évidence la plupart du temps. Ca arrive pour certaines, mais finalement, je n'étais pas aussi cinglée que je le craignais. Beaucoup d'entre elles étaient passées par les mêmes questionnements. 

Aujourd'hui, à quelques heures de mon retour au boulot, je ne comprends même pas comment j'ai pu me poser toutes ces questions. Les hormones n'ont pas aidé c'est certain. Je suis folle de mon petit bonhomme. M'imaginer passer mes journées loin de lui me brise le coeur. Et encore, c'est son père qui va le garder quelques temps. Ensuite il ira chez une nounou. J'en crève de jalousie.

C'est donc arrivé, comme ça, sans que je ne me rende compte de rien. C'est une évidence aujourd'hui: je l'aime du fin fond de mes tripes. Je ne sais pas quand c'est arrivé. Mais c'est bien là. C'est mon fils. Je suis sa mère. 

La PMA m'a appris à faire les bébés. Il m'a appris à devenir maman.

12 commentaires:

  1. Bounty Caramel29 mars 2014 à 01:25

    En plus d'être prévenant, il est touchant ce post.
    Ta dernière ligne est si belle.
    Je ne trouve pas cela hallucinant du tout du tout, j'ai (je suis tarée hein) même du mal à imaginer comment cela peut-être autrement après toute cette attente, toute cette médicalisation, toute cette complexité, tous ces doutes et protections... Tu fantasmais sur des embryons, et d'un coup tu as du fantasmé sur bébé, l'envisager en chair et en os, et en juste quelques mois. Dingue quoi !
    En tout cas merci pour ton témoignage.
    Des bises

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    1. Non tu n'es pas tarée! Au contraire, je te trouve plus lucide que moi. J'espère que tu pourras bien vite fantasmer aussi sur ton embryon devenu grand. Plein de bises

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  2. J'en parlais dans un article sur le lien... Et en effet, il y a une grande différence entre le bébé avec qui tu es en fusion et le bébé qui nait, différent de toi, disctinct.. Un autre petit être... Un lien à instaurer de nouveau. Un amour certes existant mais que j'ai trouvé grandissant au fil des semaines...
    Je me voyais aussi avec une fille, alors quand j'ai vu qu'il faisait pipi dans mon bide avec sa zigounette, j'ai été un peu perturbée... Il m'a fallu un petit temps d'adaptation...
    Je reprends bientôt et moi aussi, j'ai le coeur brisé....

    Courage....
    Bisous

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    1. Je me souviens des premiers jours à la maternité: à chaque fois que je lui changeais sa couche, j'étais toujours étonnée de voir tout son attirail ;) J'avais peur aussi de ne pas savoir faire avec un garçon. Je n'y connais rien aux bagnoles moi! Mais bon, on va s'y mettre et on va devenir incollable!

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  3. eh oui on apprend à devenir maman et je pense qu'on s'est toute demandé comment aimer son enfant celui même qu'on a tant attendu !!! et après tu ne te poses plus la question, c'est un amour que tu ne connaissais pas, un amour inimaginable, comme tu dis, il prend aux tripes !!!

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    1. C'est ça, viscéral. Je pourrai passer des heures à le regarder dormir ou jouer avec son livre en tissu. On les trouve les plus merveilleux. On est vraiment objective :)

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  4. Merci beaucoup pour cet article, il reflète complètement ce que j'ai ressenti moi aussi à la naissance de mon fils en décembre. Je ne m'étais sans doute moi non plus pas assez projetée avec un bébé (pourtant en 2 ans on a le temps !), et l'accouchement et les premières semaines ont été difficiles pour moi également. Un grand merci donc, et je pense en effet qu'un tel témoignage pourra aider d'autres jeunes mamans.

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    1. C'est fou comme on se retrouve perdu les 1ers temps. Je pense aussi que l'arrivée de mon bonhomme, que je n'ai quasiment pas vu pendant ses 1ères 24 heures n'a pas aidé. J'ai eu l'impression de passer de l'état enceinte à pas enceinte en rien de temps. Je n'ose imaginer les mamans de préma dont les bébés passent des semaines en néonat et qui rentrent sans eux. Le mien y est resté que quelques jours et ce fut bien suffisant!
      Des bises à toi et ton petit loulou!

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    2. Exactement ! Mon accouchement a pourtant été interminable, mais je n'arrivais pas à réaliser que je n'étais plus enceinte, et que ce bébé à côté de moi était le même que celui dans mon ventre... Surtout quand on en est immédiatement séparée (juste une heure pour moi, rien à côté d'autres situations, mais difficile à vivre quand même). Heureusement comme vous dites les unes et les autres, le lien se construit petit à petit, et vient nous rassurer sur nos capacités à aimer ce petit bout. Jusqu'à oublier même comment on a pu en douter ! Mais pour ma part j'aurai bien mis 2/3 mois pour faire ce chemin dans ma tête et dans mon corps. Et avec un peu d'aide, grâce à une sage-femme et à une psychologue géniales à la maternité avec qui j'ai "débriefé".
      Bisous aussi à tous les deux et bon courage pour la reprise. Même configuration pour moi, le papa a pris son congé paternité pour faire le relais, mais c'est fini, on commence pour de vrai avec la nounou cette semaine. Duur. Bonne continuation à toi.

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    3. Oui c'est ça: je le regarde et je me dis "mais comment ai-je pu douter une seconde que je ne l'aimais pas???". Et quand lundi à mon retour du boulot je me suis précipitée vers lui et qu'il ne m'a pas regardé genre "dis donc, t'as pas été là de la journée, je te boude", ça m'a fait bien chier!
      Bon courage pour la nounou, rien que d'y penser, ça me fout le bourdon ;p

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  5. Hummm... On ne sait jamais à quoi s'attendre, et parfois la réalité n'est pas à la hauteur. Peut être que pour certains parents, la difficulté d'année à en ch*er altère un peu le moment qu'on veut idyllique.

    Mais à partir du moment où la nature reprend ses droits, les choses finissent par arriver.
    Les futurs parents les plus heureux du monde, les enfants les plus désirés n'échappent pas forcement au cyclone qu'est une grossesse et une naissance.
    Aucune culpabilité à avoir. Toutes les familles aimantes ne se construisent pas sur le même shéma ou ne respectent pas la même chronologie.
    Je t'admire d'être aussi franche, je suis contente d'avoir découvert ton blog.

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    1. Je ne sais pas si ce n'était pas à la hauteur. Ma fin de grossesse très certainement. J'en ai (encore) voulu à mon corps qui n'avait pas voulu garder au chaud le locataire quelques semaines de plus. Est-ce-que si l'accouchement s'était passé dans d'autres conditions ma réaction aurait été différente? Je ne sais pas. Mais je crois que naïvement, je pensais que les années d'attente m'avaient permis d'envisager toutes les questions sur la maternité; alors que non. J'avais juste envisagé toutes les questions sur la grossesse! Et que j'avais beau dire "je ne veux pas savoir le sexe parce qu'on sait déjà tout, combien on était, où c'était, quand c'était, on lui laisse un secret quand même!", je pense finalement que de parler "du bébé" et non de "mon fils" ou "ma fille" me permettait de mettre une certaine distance, si jamais quelque chose allait de travers.
      Mais c'est clair que c'est un vrai cataclysme. Et j'espère être plus préparée si numéro 2 décide de venir!
      Je te souhaite un parcours le plus court possible et d'avoir ton cyclone le plus vite possible!

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